JEAN

Bibliothèque – Chez Jean les livres s’entassent par terre. Capharnaüm littéraire. « Ce n’est pas très rangé », reconnaît-il mais il y trouve son compte. « Même la poussière peut devenir décorative au final ! » La bibliothèque devait se faire sur mesure, il y a longtemps. Jean contemple les piles et lâche dans un sourire : « Mais ça ne se fait pas. » Les livres restent les mêmes, qu’ils soient alignés sur des étagères ou empilés. « Je n’ai pas de fascination particulière pour l’objet, je suis beaucoup plus intéressé par ce qu’il y a dedans. » Et puis de ces tas de livres, parfois, sort un petit trésor oublié. Chaque fois qu’il déplace une pile, il tombe sur un livre qu’il avait perdu de vue. Voilà de quoi créer des belles rencontres inattendues.

Lectures – Jean lit comme il cuisine : sans suivre de recette. Il fait avec ce qu’il a, à l’instinct. Il n’est pas du genre à suivre un auteur en particulier et aime se laisser surprendre. Quand une pile vient à s’écrouler, il faut la réorganiser, ça permet de faire un inventaire. Jean aime dire qu’il ne choisit pas un livre mais que c’est le livre qui le choisit. Jean est un lecteur curieux. Il lit tout ce qui lui passe sous la main, il ne s’enferme pas dans un genre et veut résister à notre tentative d’exploration. Il ne dira rien. Doucement, sans le brusquer, on attrape des livres au hasard des piles, et à chaque fois il s’anime avec passion pour nous en vanter la qualité. On attrape Zone de Mathias Enard, on lui montre Le monde du sexe de Henry Miller, on extrait L’amour soudain de Aharon Appefeld… Dans l’un d’eux, un marque-page tombe : une feuille de papier toilette. « Propre ! » précise Jean dans un large sourire. Il commente Le fil de l’épée de Charles De Gaulle : « Magnifiquement écrit ! ». Enfin, on tient entre nos mains Le cailllou de Ségolène Vinson. « Ce livre m’a beaucoup touché. J’ai assisté à une rencontre de l’auteur en librairie. J’aime son côté dissocié, les dissonances que sa voix porte. »

Des débuts – C’est tôt le matin qu’il aime lire, un peu comme une cachotterie, quelque chose qu’on fait quand tout le monde dort encore. « Un bon coup de téloche le soir, un bon bouquin le matin » résume-t-il. Ça doit venir de l’enfance cette envie de lire en cachette. Il n’en dira pas plus. Sa fille tourne autour de la table et commence à ouvrir les livres que nous y avons posés. Jean est dans ses pensées. « Je me demande ce qui a déclenché en moi mon goût de la lecture. Je ne m’en souviens pas. C’est dommage. » Oui, on aurait aussi aimé aussi le savoir. Il se promet de surveiller ce moment chez sa fille et d’être là pour le lui rappeler plus tard.

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