MATHILDE

Texte d’Anne-Laure Albessard.

Sur la table basse de Mathilde, on ne trouve que des objets et des livres de seconde main, à l’image de tout ce qui décore son joli appartement aixois. D’ailleurs, ce n’est pas une table basse à proprement parlé, mais la rencontre d’un petit meuble en bois et d’une vieille malle sans doute chinée dans une brocante ou un vide grenier.

Sont posés dessus: une tasse et sa soucoupe en porcelaine d’un service à thé Royal Albert, un petit bouquet d’immortelles, un livre, Sainte Rita, patronne des causes désespérées de Claire Wolniewicz, un vieil exemplaire du Soir illustré datant du 15 avril 1971, trouvé aux Arnavaux à Marseille, avec, en couverture, un portrait de Jane Birkin dont on nous dit qu’elle s’assagit, ainsi que The Gisèle Freund Photographs, un album de photos sur Frida Kahlo. Mathilde a découvert cette peintre mexicaine au Musée de l’Orangerie à Paris. Elle l’aime pour sa figure de féministe très engagée et ses vêtements inspirés des tenues traditionnelles de son pays.

La mode, c’est la passion de Mathilde. « Dans ma maison de famille, il y avait des grosses malles pleines de vêtements du début du vingtième que ma grand-mère réfectionnait. C’est de là qu’est née ma passion pour le vintage. »

Mathilde a suivi des études d’histoire de la mode avec une spécialisation dans le burlesque et les films Technicolor des années 40. Elle a travaillé au palais Galliera, le musée de la mode à Paris. Elle aime le Paris 1900, les cocottes et les maisons closes.

Arrivée il y a seulement deux ans à Aix-en-Provence, elle vient de monter sa petite auto-entreprise afin de s’occuper de la communication d’un collectif vintage monté par son amie Marion qui tient la friperie Joli Bambi à Aix. « Le but est de faire découvrir le seconde main et d’avoir une démarche plus éthique, de se dire qu’il faut arrêter d’acheter ses vêtements dans des grandes chaînes de magasins, alors qu’il y a déjà plein de choses dans les friperies. »

LA BIBLIOTHÈQUE

La bibliothèque posée à côté de la vieille cheminée en marbre du salon est faite de quelques étagères en bois. Mathilde l’a récupérée dans son ancien appartement. « Je l’ai immédiatement adorée parce qu’elle était bringuebalante. A l’époque, j’avais un peu moins de livres, mais tout le monde avait peur de se servir car j’avais installé de la porcelaine sur les planches les plus hautes. Aujourd’hui, je n’arriverais plus à m’en séparer ».

Dans sa chambre, on ne trouve que quelques livres de chevet qu’elle a envie de lire, qu’elle est en train de lire ou qui l’inspirent.

SES LIVRES PRÉFÉRÉS

Lorsqu’on lui demande quel est son livre préféré, Mathilde brandit aussitôt Mémoires d’un homme amoureux de Jean-Pierre Dufreigne. Pour Mathilde, ce roman n’est pas l’histoire d’une vie rêvée, c’est juste la réalité d’une vie à deux avec ses aléas et ses vicissitudes. Elle l’a découvert, alors qu’elle n’avait que dix-sept ans, dans sa maison de famille. Depuis ce temps-là, elle l’a lu des dizaines de fois.

Nana de Zola « Zola, je n’avais pas forcément un très bon rapport avec lui. J’avais lu Au bonheur des dames que j’avais trouvé trop long alors que l’avénement des grands magasins était mon sujet de prédilection. » Nana, Mathilde ne l’a lu que parce qu’on le lui avait offert. Pourtant, elle est tombée amoureuse du personnage principal. « J’ai trouvé ça merveilleux toutes ces références aux femmes et cocottes de cette époque. Quand Nana est chez elle, quand elle est dans son lit, tout est très rococo : il y a de la lingerie, de la dentelle, un vrai raffinement chez cette fille de joie. Mon goût pour le style 1900 s’est vraiment amplifié à la lecture de ce roman. »
Il y aussi, dans sa bibliothèque, un vieux livre en cuir. Il réunit un vingtaine d’exemplaires d’un magazine généraliste américain, le Metropolitan Magazine, des années 1903 à 1904. On y trouve une galerie de portraits de femmes des années 1900, avec silhouettes en S, corsets, faux culs et cheveux relevés en chignon.

A son grand regret, Mathilde ne possède pas de livres sur la mode 1900 car ils sont difficiles à trouver. Mais elle a plusieurs biographies de grands couturiers de cette époque, dont Les Mémoires de Paul Poiret, qui a marqué la fin de la tyrannie des corsets. Mais ses créations de style Directoire, droite et étroite, à la taille ramenée sous la poitrine lui ont attiré les foudres de Coco Chanel. C’est cette dernière qui, en raccourcissant les robes et en leur donnant des formes amples sans taille marquée, a véritablement libéré la femme.

Vénus Erotica d’Anaïs Nin

Vénus Erotica, ce sont 15 nouvelles érotiques que Mathilde met en lien avec le cinéma érotique italien des années 70 et sa passion pour David Hamilton. En 1940, un collectionneur privé commande à Anaïs Nin des écrits érotiques pour 1 dollar la page. Afin de contenter le collectionneur, l’écrivaine étudie alors le Kama Sutra et s’inspire des histoires que lui content ses amis. Mais elle se détache bien vite des contraintes exigées par le mystérieux commanditaire. Son but n’est plus d’exciter le lecteur homme mais plutôt de raconter les désirs au féminin.

Les Vies d’Alfons Mucha de Patrizia Runfola

Artiste tchèque de renommée internationale, Alfons Mucha reste indissociable de l’image du Paris 1900. Sa célébrité lui vient surtout de ses affiches très emblématiques de l’Art nouveau. Mais elles occultent trop souvent d’autres aspects de sa production, ce que regrette Mathilde : « On ne sait pas toute l’envie slave qui se cache derrière ses tableaux. C’est un homme qui a passé sa vie à chercher ses racines. »

Où et quand lisez-vous ?

De manière générale, Mathilde lit le matin dans son lit où elle aimerait pouvoir passer sa vie. Ça la met dans une bonne dynamique. Il lui arrive de lire le soir, mais elle n’aime pas s’endormir sur un livre. Elle préfère regarder des films. Elle aime aussi lire sous les arbres, l’été, souvent dans les parcs, allongée dans l’herbe ou assise sur un banc.

Avez-vous un rituel ?

Mathilde n’annote pas ses livres, mais elle en souligne certains passages qui lui donnent à penser, qu’elle trouve jolis ou qu’elle ne comprend pas. Elle les recopie dans son petit carnet Moleskine noir. Une chose l’amène à une autre, comme l’histoire de l’art ou des courants artistiques et littéraires qu’elle souhaite approfondir.

Prêtez-vous vos livres ?

Elle aime aussi pouvoir prêter ses livres à ses amis sans trop les influencer dans leur lecture. Cela dit, Mathilde ne les prête que rarement car peu de gens lisent les mêmes choses qu’elle. « Un livre, je l’achète, j’aime qu’il m’appartienne, mais juste un temps, comme le vintage. Et un jour, quelqu’un d’autre le possède. »

LES BONNES ADRESSES:

Rue des Bouquinistes Obscurs, à l’angle de la rue Matheron, à Aix-en-Provence : « J’y trouve de bonnes occasions et des livres sur les maisons closes, mon sujet favori. »

Joli Bambi, 31 rue Maréchal Joffre, à Aix-en-Provence, où Marion, dans sa boutique décorée et tendance, sélectionne les vêtements vintage les plus pointus.