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Bibliothèque et poudre – Chez Lauren, les livres sont aux quatre coins de la maison. Mention spéciale pour la grande bibliothèque du salon. Près du lit, un petit « panthéon » personnel : « Ici, ce sont les livres qui m’inspirent. Je crois beaucoup à l’énergie des livres. En prenant un livre entre ses mains on peut savoir ce qu’il va nous apporter. » Fétichiste ? « Absolument, et depuis toujours, pour les livres en tous cas ! »

Au premier coup d’œil sur les ouvrages que Lauren a préparé pour notre rencontre, on s’étonne de n’y voir que des auteures. Explication : « Depuis deux ans je ne lis en effet que des femmes. J’ai ressenti un besoin d’être nourris de voix et d’histoires de femmes dans ma réflexion politique et personnelle. » Elle a alors opéré un grand ménage dans ses lectures. Seuls trois écrivains ont résisté à la tornade féministe : Tristan Garcia (« Tellement brillant ! »), Jean-Philippe Toussaint (« Unique en son genre ») et Henry Miller (« Mon auteur préféré. Sexus est un livre qui m’accompagne depuis des années, je ne pourrais pas m’en séparer. J’y puise un dépaysement nécessaire. »)

Cette appétence pour les voix et histoires de femmes a poussé Lauren, journaliste chez Elle puis chroniqueuse pour Le Grand Journal, à lancer son émission de podcast, La Poudre. Deux fois par mois, elle reçoit une femme exceptionnelle – artiste, intellectuelle, politique – pour une « conversation personnelle et sans tabou sur son enfance, sa carrière et son rapport à la féminité. »

Lectures – « La Poudre est née de plusieurs rencontres » raconte Lauren. L’une des plus importantes est celle avec Silvia Plath.  « Je l’ai découvert par hasard, à travers son journal et j’ai été saisie par son histoire qui est une terrible histoire de sexisme, un récit de femmes où toutes les violences sont présentes. » On évoque aussi Nellie Bly, une journaliste américaine de la fin du xixe siècle, pionnière du reportage clandestin et journalisme d’investigation. « Malheureusement son travail est peu traduit en français. » D’autres femmes, d’autres récits comptent énormément : Violette Leduc avec La batarde : « une féministe arrivée trop tôt dans son époque », Toni Morrison, Chimamanda Ngozu Adichie, l’auteur de Americanah. « A lire absolument ! Cela raconte l’histoire d’une nigérienne qui découvre qu’elle est noire en arrivant dans un pays blanc. C’est aussi l’éveil d’une conscience politique. Magnifique et magistral. » Leonora Miano dont Lauren vient de lire les deux tomes de Crépuscules du tourment : « Pour moi la plus grande romancière francophone contemporaine. » Charlotte Perkins Gilman : « Le papier peint jaune sur une femme considérée comme folle et que l’on enferme, et plus on l’enferme, plus elle devient folle. Cela parle très bien de l’oppression masculine. » Et Joan Didion. « Je suis particulièrement touchée par la façon dont elle parle des femmes qui vieillissent mais aussi de son veuvage. La prise de parole des femmes sur ces sujet-là est essentielle car ce sont des sujets qui sont invisiblisés. » L’idée de La Poudre se trouve là : « Toute histoire de femmes doit être enregistrée car l’histoire les invisibilise. »

The dinner party – « Cette question de l’invisibilité des femmes je l’ai retrouvée dans une œuvre d’art exposée au Brooklyn Museum : The dinner party de Judy Chicago » explique Lauren en montrant le livre ramené de New York. Il s’agit d’une installation faite d’une table triangulaire sur laquelle chaque place comporte un set de table brodé du nom d’une femme qui a marquée l’histoire mais qui a le plus souvent été oubliée. Lauren a vécu un véritable choc stendhalien en découvrant le travail de Judy Chicago.  « Avec The dinner party, elle nous révèle que la société est faite pour que les femmes ne passent pas à la postérité. A chaque fois qu’une femme accompli quelque chose, l’histoire efface sa trace. » L’approche nous fait penser à Culottées, le livre de Pénélope Bagieu sur « les femmes qui ne font que ce qu’elles veulent. » Lauren ne peut qu’approuver. Pénélope Bagieu était l’invitée de l’un de ses podcasts.  Installez-vous avec Pénélope Bagieu interviewée par Lauren et écoutez parler La Poudre.

 

Crédit photo pour le portrait de Lauren: Zisla Tortello. Un grand merci Zisla!