JUDITH 1/2

La ferme et la bibliothèque – Pour se rendre chez Judith, si on vient de France, il faut prendre au minimum un avion et un bateau : elle vit dans une ferme sur l’Île de Vashon dans l’État de Washington (États-Unis). Cette ferme n’est pas n’importe quelle ferme et des milliers de lecteurs pourraient la reconnaitre : c’est celle de Betty MacDonald, l’auteur du best-seller des années 50 The Egg and I (traduit en français par L’œuf et moi). Dans le livre Betty raconte avec humour sa vie de jeune mariée. Au premier regard, il semble que les lieux ont peu changé depuis l’après guerre. C’est grâce à l’énergie que Judith déploie pour maintenir la ferme en bon état : « Je suis arrivée ici après un divorce. J’ai quitté une grande et belle maison pour cette ferme où tout fuyait, tout gelait et où rien ne fonctionnait. Patiemment, jour après jour, j’ai nettoyé, travaillé, planté pour avoir un bel endroit où vivre avec ma fille. » Depuis 40 ans, Judith reçoit des gens venus du monde entier pour voir l’endroit où Betty MacDonald a vécu. La porte de Judith est toujours ouverte et elle partage avec ses visiteurs les anecdotes sur l’auteur. Cependant, la ferme n’est pas du tout un musée. Judith y vit et se sent chez elle.

Les livres se trouvent dans les quatre espaces à vivre de la ferme, sur des étagères, principalement classés par sujet – classement qui dit tout sur les centres d’intérêt de leur propriétaire : paysage, jardinage, décoration, histoire, littérature classique, Shakespeare, Dickens, voyages, indiens d’Amérique… Judith n’est pas intransigeante quant au classement des livres, mais elle reconnaît qu’elle aime qu’ils restent rangés et organisés : « Je pense que les livres ont une personnalité que l’on doit respecter. »

Lectures – Judith lit car elle a un très grand désir de découverte. « Je me suis mariée jeune et je n’ai pas eu la possibilité d’aller à l’université. Il y a des années, j’ai décidé de lire sur tous les sujets qui m’intéressent. Il y a beaucoup de leçons à apprendre dans les livres au travers des succès et des échecs des grands hommes, ceux qui ont bousculé l’ordre établi. » Elle ne lit jamais de romans : « J’aime les lectures qui apportent des informations factuelles. J’aime avoir de la matière pour penser pendant que je travaille ! » Et quand un sujet la passionne (comme l’exploration du pôle Sud, par exemple), elle lit tous les livres qu’elle peut trouver sur le thème pour avoir une meilleure perspective. « Ah, comme une belle lecture peut être une aventure ! » songe-t-elle à voix haute.

Son goût pour la lecture la submerge parfois. La lecture peut devenir une activité chronophage. « Je lis partout, s’amuse-t-elle, dans la voiture avec une lampe torche si besoin, sur le ferry, dans une file d’attente, dans la baignoire, sur le pont au coucher de soleil, sur la balançoire avec un chaton sur les genoux. À la plage aussi. » La lecture est un véritable luxe pour Judith. À chaque fois qu’elle ouvre un livre, elle a le sentiment de voler du temps sur le labeur. Un moment de plaisir. « Je viens d’une famille dans laquelle on a toujours travaillé très dur. Ma grand-mère, née en 1908, est arrivée aux États-Unis avec huit enfants. Ma mère était la huitième. Et je ne crois pas avoir jamais vu l’une ou l’autre s’asseoir pour lire un livre. Elles travaillaient tout le temps. Alors je me suis dit que je prendrai toujours le temps de me poser pour lire. »

Un dîner à la ferme – Si Judith pouvait inviter trois personnalités à dîner, elle enverrait des invitations à Eleanor Roosevelt, Maya Angelou et Ernest Shackleton. Au menu ? « Pour commencer je servirais des figues de la ferme avec du miel, des framboises fraîches et du fromage de chèvre. Avec un vin pétillant. Puis une salade de laitue avec des noix de pécans et du bleu, et une sauce au vinaigre de framboise pour accompagner du saumon et des asperges. Le dessert serait un tiramisu avec un café bien fort et du thé. » On peut venir ?