EMMANUEL 1/2

Bibliothèque – Pas de livres disséminés un peu partout, des piles instables, des couvertures qui prennent la poussière aux quatre coins de la pièce. Les livres s’ordonnent dans une belle bibliothèque, sur-mesure, réalisé par un « formidable » menuisier mais conceptualisée par Emmanuel : « Je ne voulais pas un meuble mais une bibliothèque qui s’intègre totalement au mur et à la pièce et sans structure (trop) apparente. » Ils ont opté pour du chêne clair ; ça réchauffe cette pièce très minérale.

Emmanuel a la chance d’avoir la grande bibliothèque de ses rêves : « Je la vois comme un refuge, bien nécessaire, du beau. Et j’aime aussi l’ouverture qu’elle offre au premier regard. » Les goûts d’Emmanuel s’y affichent sans complexe : l’art, les voyages, les gens… On trouve aussi des objets collectés avec Laurence, sa femme, lors de voyages autour du monde. Des gravures, des aquarelles, des dessins, des objets trouvés aux enchères. Laurence acquiesce : « Les livres et les objets de la bibliothèque nous permettent de revenir dans les lieux où nous les avons trouvés. » Un univers éclectique et vivant : « Les livres changent constamment de place. Des objets en remplacent d’autres, on en ajoute, d’autres disparaissent… J’aime trouver la bonne place pour que les objets et les livres se répondent, s’interpellent. Pour les faire dialoguer entre eux, créer des correspondances entre les couvertures et les objets, que ce soit par des visuels ou les couleurs. Comme des clins d’œil. »

 Sensible à l’objet livre (« un beau papier, la qualité d’une reproduction, une couverture travaillée, tout cela me parle beaucoup »), Emmanuel possède surtout des livres d’art. Double avantage : « Les couvertures des livres d’art permettent d’avoir des tableaux de ses artistes préférés et de les “accrocher” à moindres frais ! » Pour trouver des romans, il faut aller dans la chambre d’Emmanuel et Laurence. Cette bibliothèque là, c’est Emmanuel qui l’a réalisée.

Lectures – Emmanuel regrette d’avoir de moins en moins de temps pour lire des romans. Quand il trouve quelques heures de lecture, il n’est pas spécialement attiré par les auteurs contemporains. Il aime lire et relire des classiques. « Je crois qu’on peut passer une vie à relire les mêmes auteurs ou les mêmes livres ! » La lecture devient une madeleine. Petite nostalgie de l’enfance : « Seul garçon au milieu de trois sœurs, j’étais un peu isolé. Tout mon univers était rempli de mes lectures. À l’époque, j’avais le temps. Et c’est de ce temps, qui me paraissait infini que je suis si nostalgique. » Il se souvient : « J’ai été obsédé par Le désert des tartares de Dino Buzzati. Et cette idée de fuite du temps continue à me hanter. »

C’est peut-être cette course contre le temps qui l’a poussé à collectionner les livres d’art : « La lecture est différente : on peut les feuilleter, les attraper et les ouvrir au cours d’une conversation. J’en profite davantage. »

Dans l’art comme en littérature, Emmanuel aime les artistes grinçants avec du style, de l’ironie, et les gens qui l’amusent. Il cite spontanément Louis Ferdinand Céline, Marcel Aymé et Michel Houellebecq parmi ceux qui ont marqué son parcours de lecteur. Pour les artistes, c’est plus compliqué : « Il y en a trop ! » esquive-t-il. Alors on prend l’initiative d’explorer les étagères et on note quelques noms : Jules de Balincourt, Ida Tursic et Wilfried Mille, Raymond Petitbon, David Shrigley… La liste peut être longue…

Rituel – En ouvrant l’un d’eux, on laisse tomber un ticket. Une manie d’Emmanuel : « Quand je visite une exposition, j’achète toujours le catalogue ou un livre en rapport avec l’artiste et je glisse dans les premières pages mon ticket d’entrée et le ticket de caisse. » Laurence sourit. Emmanuel s’excuse presque : « C’est une sorte de fétichisme auquel je suis très attaché ! » C’est aussi sans doute une façon comme une autre de marquer le temps qui passe, faute de pouvoir le retenir.