ANNE 2/2

QUELQUES LIVRES À EMPRUNTER À ANNE :

La part des nuages de Thomas Vinau, Alma :  Joseph vit seul avec son fils Noé. Sa femme l’a quitté pour un autre, pour refaire sa vie, pour voir si le quotidien était moins lassant ailleurs. Noé est resté vivre chez son père, beaucoup plus pratique, pour ne pas changer d’école, de chambre, continuer à deviner la forme des nuages, de la cabane dans le cerisier. Des moments de partage, des rires, des histoires inventées puisées dans l’inépuisable imagination infantile. Une routine perturbée lorsque, pour les congés, Noé part quelques jours chez sa mère. Joseph perd alors ses repères. Ce roman de Thomas Vinau est constitué de ces « fragiles petites brumes » : de courts chapitres poétiques, des instants saisis au quotidien, transformés en moments de grâce.

Histoire de la violence de Edouard Louis, Seuil : “J’ai rencontré Reda un soir de Noël. Je rentrais chez moi après un repas avec des amis, vers quatre heures du matin. Il m’a abordé dans la rue et j’ai fini par lui proposer de monter dans mon studio. Ensuite, il m’a raconté l’histoire de son enfance et celle de l’arrivée en France de son père, qui avait fui l’Algérie. Nous avons passé le reste de la nuit ensemble, on discutait, on riait. Vers six heures du matin, il a sorti un revolver et il a dit qu’il allait me tuer. Il m’a insulté, étranglé, violé. Le lendemain, les démarches médicales et judiciaires ont commencé. Plus tard, je me suis confié à ma soeur. Je l’ai entendue raconter à sa manière ces événements. En revenant sur mon enfance, mais aussi sur la vie de Reda et celle de son père, en réfléchissant à l’émigration, au racisme, à la misère, au désir ou aux effets du traumatisme, je voudrais à mon tour comprendre ce qui s’est passé cette nuit-là. Et par là, esquisser une histoire de la violence.”

La jalousie de Alain Robe-Grillet, Minuit : Le narrateur de ce récit – un mari qui surveille sa femme – est au centre de l’intrigue. Il reste d’ailleurs en scène de la première phrase à la dernière, quelquefois légèrement à l’écart d’un côté ou de l’autre, mais toujours au premier plan. Souvent même il s’y trouve seul. Ce personnage n’a pas de nom, pas de visage. Il est un vide au coeur du monde, un creux au milieu des objets. Mais, comme toute ligne part de lui ou s’y termine, ce creux finit par être lui-même aussi concret, aussi solide, sinon plus. L’autre point de résistance, c’est la femme du narrateur, A…, celle dont les yeux font se détourner le regard. Elle constitue l’autre pôle de l’aimant. La jalousie est une sorte de contrevent qui permet de regarder au-dehors et, pour certaines inclinaisons, du dehors vers l’intérieur ; mais, lorsque les lames sont closes, on ne voit plus rien, dans aucun sens. La jalousie est une passion pour qui rien jamais ne s’efface : chaque vision, même la plus innocente, y demeure inscrite une fois pour toutes.

La petite lumière de Antonio Moresco, Verdier : Un homme solitaire décide de se couper du monde en se retirant dans un hameau hors du temps, dont les rues, presque toujours désertes, témoignent à peine d’une hypothétique présence humaine. Au cœur d’une nature intime, toute-puissante et délicate, le voilà spectateur des détails, minuscules et émouvants, que lui offrent plantes, arbres et animaux, et que seuls perçoivent des yeux patients, attentifs, bienveillants. Le personnage vit entouré d’hirondelles, il parle aux plantes, aux lucioles, à cet « oiseau porte qui grince ». Peu à peu, le silence de la solitude s’incarne. Une lumière sur le vallon lui renvoie comme l’écho du petit enfant apeuré par le noir qu’il a été, tel un éclat qui, au fil des pages, le propulse un peu plus profondément dans l’obscurité, vers un effacement nécessaire. L’écriture poétique, parfois surréaliste, rend compte de la solitude de l’homme face à son existence, mais aussi face à la nature. Tout, dans ce roman où la littérature se respire à pleins poumons, apparaît comme essentiel et salutaire.