PHILIPPE PUJOL
- The Archivists
- 8 mai 2016
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 avr.

La bibliothèque – « Ici, il y a des livres partout et tout le monde lit, même les petits » explique Philippe, lui-même auteur et journaliste. « Mais pas de fétichisme, pas de classement, pas de complexe » ajoute-t-il. Les livres se suivent et ne se ressemblent pas, créant ainsi des voisinages singuliers. On aperçoit d’ailleurs le dernier livre de Philippe, La Fabrique du Monstre, rangé entre un roman de Romain Gary et un livre d’Annie Ernaux. C’est un hasard assure Philippe. « Je ne sais pas ce qu’ils en penseraient mais moi ça me va » s’amuse-t-il. Dans les placards, il y a aussi des livres, notamment des bandes dessinées. Il paraît qu’il y en a aussi au garage et à la cave. En ouvrant la table basse, Philippe dévoile sa collection de Fluide Glacial. « Ceux-là, les enfants sont encore trop petits pour pouvoir tomber dessus, alors on les garde à l’abri… ».
Lectures – Ses premières lectures étaient des bandes dessinées. « Les Belges des années 50, 60, 70 m’ont fait rêver de mon enfance à mon adolescence. Franquin est LE génie absolu ». Sur les étagères, on trouve la collection complète de Thorgal qui fait partie de ses bandes dessinées cultes. « Il y a quelques jours, mon fils de 8 ans s’ennuyait à la maison. Je lui ai alors montré ma collection de Thorgal en lui expliquant que j’avais mis 20 ans à savoir ce qu’il allait se passer entre le premier et le dernier volume, et que lui pouvait le découvrir en une matinée. Je ne l’ai plus entendu ! »
Aujourd’hui, Philippe lit beaucoup de poésie : « Je me sers de la poésie quand j’écris, cela m’aide à construire mon écriture, à débloquer des formules. Lorsque les ouvrages de poésie sortent des étagères, c’est que je suis en phase d’écriture. » explique-t-il. Un coup d’œil à la table de nuit et au bureau : on sait que Philippe écrit en ce moment. Mais attention, Philippe a ses exigences pour trouver l’inspiration : « Si j’adore la poésie de Hugo, Apollinaire, Breton, ces auteurs ne m’aident pas à écrire. Je me tourne plutôt vers René Char, Vladimir Maïakovski, Charles Baudelaire ou Walt Whitman… Ces recueils de poésie je les lis comme on écoute de la musique, en boucle. »
Style et écriture – Philippe est dyslexique. « La lecture et l’écriture ce n’était pas gagné pour moi » se souvient-il. Mais il y a eu plusieurs déclics, des auteurs importants. « Aussi marrant que cela puisse paraître, je ne crois pas que j’écrirais aujourd’hui sans les heures passées à lire Pif Gadget et Fluide Glacial ! » Son style journalistique, il l’a trouvé en grande partie en lisant Félix Fénéon : « Quand je travaillais à La Marseillaise à la rubrique des faits divers, on m’a conseillé Les nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon : une vraie révélation ! Fénéon écrivait chaque jour des brèves en moins de 140 signes bien avant Twitter ! » Il y a aussi la lecture de Roland Barthes qui fut déterminante, en particulier ses écrits sur la structure du fait divers. « Pour moi, l’écriture n’est pas cette image d’Epinal de l’auteur à son bureau qui attend l’inspiration. C’est au contraire quelque chose de très actif, de permanent. Lorsque je prépare un ouvrage, je prends des notes en permanence, même la nuit : je laisse une feuille A3 près de mon lit pour noter les formules qui me viennent. » Et quand Philippe se met enfin à sa table de travail, le livre est presque déjà écrit…
QUELQUES LIVRES À EMPRUNTER À PHILIPPE :
Le nuage en pantalon de Vladimir Maïakovski, Le temps des cerises : Avec Le Nuage en pantalon (1914-1915), le futurisme, avec son pantalon de nuage annonciateur d’orages en blouse jaune tournesol, fait son entrée fracassante sur la place publique et la scène littéraire en Russie… Pour tout homme qui aime et qui espère, les paroles de Maïakovski restent gravées en lettres de feu dans la chair et le sang de ce siècle.
Le marteau sans maître de René Char, Gallimard :«Je pense que si je n’avais écrit que , on me situerait quelque part dans le surréalisme, ce qui serait inexact. Quand j’ai écrit , je n’avais que dix-sept ans et je ne savais même pas que le surréalisme existait. […] J’ai toujours ignoré l’écriture automatique et tout ce que j’ai écrit était consciemment élaboré.» Publiée en 1990 dans l’ouvrage de Paul Veyne, cette déclaration de René Char résume son engagement pris dans un mouvement dont il ne fut que le «locataire» durant quelques années. témoigne de cette proximité et de ce passage. Tous les poèmes ici regroupés par René Char, et dont il a plusieurs fois modifié les intitulés et l’ordre, proviennent de son fonds propre, c’est-à-dire de ce qui le singularise et confère à sa voix ce timbre irréductible qui n’appartient qu’à lui. D’emblée, il y a, en dépit du titre qui suggère une énergie sans frein, une volonté de maîtrise, un repérage dans le champ du réel, et une façon d’être au monde sans faiblesse.
Sinatra a un rhume de Gay Talese, éditions du sous-sol : Sinatra enrhumé, c’est Picasso sans peinture ou Ferrari sans carburant – mais en pire. Car le plus ordinaire des rhumes prive Sinatra de ce joyau qu’aucune compagnie d’assurance n’est prête à assurer : sa voix. Ce rhume l’atteint au plus profond de lui-même, lui fait perdre toute confiance, et n’a pas seulement des conséquences sur son propre état psychologique. Il semble également avoir des prolongements psychosomatiques pour les dizaines de personnes dépendant de lui pour leur bien-être et leur stabilité parce qu’elles travaillent pour lui, boivent avec lui, l’aiment profondément ; toutes ont en ce moment la goutte au nez. À une moindre échelle, un Sinatra enrhumé peut faire trembler toute l’industrie du spectacle et plus encore, tout aussi sûrement qu’un président des États-Unis fera vaciller l’économie du pays en tombant brusquement malade. Considéré par Tom Wolfe comme le père du « Nouveau Journalisme » – ce type de reportage croisant les exigences du journalisme aux techniques de la fiction – Gay Talese maître dans l’art d’évoquer « le courant fictif qui coule sous le flux de la réalité », privilégie dans ses articles les histoires plutôt que l’événement et capte dans l’ombre l’esprit d’une époque.
Gouverner Marseille de Michel Samson et Michel Peraldi, La découverte : En un demi-siècle, Marseille a connu des bouleversements sociaux, économiques culturels et urbains majeurs. Dans ces tourmentes, et en contraste avec sa réputation de ville rebelle, renommée pour la violence de ses affrontements électoraux, Marseille n’a pourtant eu que trois maires (Defferre, Vigouroux, Gaudin), tous issus du même moule politique et social formé après la guerre par Gaston Defferre. Partant de cette énigme, Michel Peraldi et Michel Samson, spécialistes reconnus des mondes politiques marseillais, proposent dans ce livre magistral la synthèse d’années de travail de terrain et d’entretiens approfondis avec les responsables politiques locaux. Les auteurs mettent ainsi au jour les liens noués par ces derniers avec les autres acteurs du théâtre politique local : entrepreneurs et industriels liés au port ou au BTP, nouveaux spéculateurs de la movida immobilière marseillaise, représentants de l’État, supporteurs de l’OM, syndicalistes, leaders religieux et communautaires, artistes et voyous… Ils en tirent le constat que le récit politique ne s’écrit pas seulement dans les histoires internes au sérail, mais qu’il s’insère dans l’humus social et culturel de la ville, dont il révèle la complexité et les subtils équilibres. Un exercice rarement fait dans un pays où on a tendance à sacraliser le discours politique sans en rechercher la logique sociale.
Héro(s) de Claire Duport, Wild Project : Un abécédaire de la blanche. De “A pour amour” à “Z pour Za’ma”, une myriade d’histoires, qui nous plongent au coeur de l’héroïne. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’héroïne – raconté par ceux qui l’ont vécue. Pourquoi l’appelle-t-on la reine des drogues ? Est-ce qu’on devient toujours accro ? Comment elle a été inventée ? Comment on vit avec ? … Un flash d’humanité. Des histoires de fêtes, de virées, de fêlures, de travail trop dur, de grand amour, de plaisir, de rires et de larmes, de solitude et de bandes. Qui, depuis Marseille, nous emmènent à Paris, Saint-Denis, Baltimore ou Katmandou, jusqu’aux routes du Liban et du Proche-Orient. Un concentré de mondes. Au carrefour de l’histoire des musiques, de la libération des moeurs, de la quête de soi, de la chimie, de la santé, de la géopolitique, c’est la société tout entière qui se donne à lire dans nos histoires d’héroïne.