NINE ANTICO
- The Archivists
- 12 juil. 2017
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 avr.

Bibliothèque – L’illustratrice et auteure de bande dessinée, Nine Antico nous accueille. Si on n’est pas surpris de trouver sur les rayonnages des romans graphiques, des BD, des livres de photo, des fanzines, un détail ne peut nous échapper : le classement par couleur. « Oui, cela me semblait particulièrement réalisable avec les livres illustrés, explique Nine, mais si on regarde de près, on voit que ce n’est pas si facile, c’est un peu l’anarchie. » Pas facile aussi de retrouver un livre, s’il faut se souvenir de la couleur de sa couverture plutôt que du nom de son auteur. Nine a une manie : elle aime explorer les bibliothèques des autres. Voir ce qu’ils lisent, comment ils l’organisent. (On ne va pas lui jeter la pierre !) En retour, sa bibliothèque se doit d’être accueillante. Elle doit inviter à la découverte, susciter l’envie. Impossible de venir voir Nine sans avoir envie de fouiller les étagères et de s’installer dans le canapé. La bibliothèque de la tentation. On y trouve les livres qu’elle a lus, mais aussi ceux qu’elle lira plus tard. Cette chronologie des lectures l’amuse : « C’est intéressant de voir le temps qui passe entre le moment où l’on achète ou on reçoit un livre, et le moment où l’on finit par le lire. » Nine a toujours besoin d’acheter des livres – pour maintenant ou pour plus tard. Apprécier un livre, c’est aussi une question de temps. Trouver le bon moment pour que la rencontre se fasse. Et le bon ordre aussi : bien choisir le livre d’après, une fois refermé celui qu’on est en train de lire. « Parfois on crée des correspondances inattendues entre les livres. » Devant une pile composée aléatoirement, Nine s’amuse : « Celle-ci, je l’ai prise en photo et je vais m’efforcer de les lire dans cet ordre ! »
Lectures – Évidemment, l’objet livre l’intéresse autant que le contenu. « Je n’achète jamais un livre dont la couverture ne me plaît pas, même en littérature. », confie Nine alors que nous la suivons dans la chambre. Dans cette pièce, on trouve essentiellement des romans, littérature française ou américaine. Elle a aussi un faible pour les biographies. Sur les étagères, ses incontournables : Salinger, Fitzgerald, Beauvoir, Pavese, McCullers, Fante et Maupassant. « Une vie de Maupassant résume parfaitement ce que j’aime trouver dans un roman : un parcours, une écriture décalée, impressionniste avec un regard lucide mais sans condescendance sur les gens. » Quelques femmes aussi dont elle se sent héritières et qui l’inspirent pour son travail. Eva Babitz avec Eve’s Hollywwod, Confession d’une groupie de Pamela Barres ou encore Cookie Mueller dont le livre Traversée en eau claire d’une piscine peinte en noire vient récemment d’être traduit en français. « Le point commun entre ces trois auteurs est peut-être leur façon de rendre hommage à leur époque et leur milieu, en décortiquant l’objet de leur fantasme. Et elles ne se font pas de cadeau.”
On l’aura compris, Nine a un besoin de lire permanent, mais sans jamais tomber dans une exhaustivité excessive : « Quand je découvre et aime un auteur, je ne suis pas du genre à lire toute son œuvre d’un coup. J’aime au contraire passer d’un auteur à l’autre, au fil des rencontres et des lectures. » Un de ses plaisirs est de préparer sa liste de lecture de vacances. « Cela me prend des semaines, je change tout le temps jusqu’au dernier moment. Mais ça y est je crois que pour cette année, mon choix est arrêté. » Ce sera L’art de la joie de Goliarda Sapienza, Honni soit qui Malibu de Philippe Garnier et Bourlinguer de Blaise Cendrars. Beau programme.
Effondrement et construction – Il y a quelques mois, Nine a été réveillée par l’effondrement de la bibliothèque. Le lendemain matin, elle a constaté que ses livres d’enfant s’étalaient autour de son lit. « J’ai beaucoup aimé cette idée. C’est justement la puissance de suggestion des images de certains livres que j’ai lus enfant qui m’a donné envie de devenir illustratrice. » Elle a des souvenirs très forts de livres dans lesquels de simples traits pouvaient la projeter dans un univers, une atmosphère qu’elle peut encore aujourd’hui ressentir. L’émotion de la lecture, naissance d’une vocation. Désormais ces livres se trouvent dans la chambre de son fils. Et sans nous en apercevoir, nous nous retrouvons en tailleur sur le sol, en train de lire Le petit cochon qui n’arrivait pas à s’endormir dans le noir d’Arthur Geiser et Le grand livre pratique de Noël de Malcom Bird.
QUELQUES LIVRES À EMPRUNTER À NINE ANTICO :
Jours tranquilles, brèves rencontres de Eve Babitz, Gallmeister : Un acteur qui fuit les studios le temps d’un match de base-ball et une starlette qui déteste sa célébrité, des plages californiennes et des bars où l’alcool coule à flot, Los Angeles… et Eve. Eve qui promène au coeur de ce monde son insolente sensualité et nous le raconte avec beaucoup d’esprit et une superbe légèreté. Hédoniste et éternelle amoureuse, Eve Babitz possède une voix sans égale et nous entraine à travers une ville frénétique comme un studio de cinéma et pétillante comme une coupe de champagne.
Confessions d’une groupie de Pamela des Barres, Le Serpent à Plumes : Pamela, une jeune Californienne, se pâme pour ses rock stars préférées. Quelques années plus tard, en plein avènement de l’ère Peace & Love, elle se jette au cou de ses héros : les Stones, Led Zeppelin, les Byrds, les Kinks, les Who, les Doors, Jimi Hendrix Expérience, Frank Zappa, Alice Cooper et tant d’autres. Tour à tour maîtresse, confidente, drug-partner, nounou, groupie d’un soir, elle traverse de l’intérieur cet âge d’or du rock, candide sur une corde raide, dans un tourbillon vertigineux. Vingt ans plus tard, Pamela décide de raconter son tumultueux parcours. Il en résulte ce récit teinté d’humour et d’autodérision, chronique fascinée et fascinante des 60’s et des 70’s. Lors de sa première publication aux USA en 1987, Confessions d’une groupie est resté trois mois dans la liste des best-sellers du New York Times. Plusieurs fois réédité depuis, il est devenu un classique de la littérature rock.
Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noire de Cookie Mueller, Finitude : Devant l’objectif des plus grands photographes, des plus grands cinéastes, elle excellait à être simplement Cookie. L’inoubliable, la touchante Cookie Mueller, égérie de l’avant-garde new-yorkaise des années 70 et 80. Lors de soirées devenues mémorables, elle exerçait ses fabuleux talents de conteuse. Tous se délectaient de ses aventures extraordinaires, de ses souvenirs de l’époque où elle était la bad girl du lycée jusqu’à ses anecdotes de tournage avec John Waters, en passant par les épisodes sa vie californienne, lorsqu’elle côtoyait Janis Joplin ou un certain Jim Morrison. Et quand un jour, elle s’est enfin décidée à mettre tout ça par écrit, on s’est aperçu qu’un écrivain était né. Quel style, quel naturel, quelle verve, quelle fantaisie ! Lire Cookie Mueller aujourd’hui, c’est retrouver l’insouciance, goûter la liberté, tâter de la sauvagerie, risquer la tendresse. Elle écrit « cash », comme elle a vécu. On aurait tant aimé la connaître.
Honni soit qui Malibu de Philippe Garnier, Grasset :Philippe Garnier explore les coulisses de Hollywood de 1933 à 1945, à la poursuite des écrivains, grands ou petits, richissimes ou mal payés, qui font le quotidien de Sunset Boulevard. Souteneurs, turfistes, acrobates, cow-boys, gagmen, libraires, pigistes, ils partent à l’assaut de la côte Ouest, humiliés de la même manière par les studios, anonymes que l’histoire ne retiendra pas à côté de Faulkner en tweed, ou de Fitzgerald défait par l’alcool. Ce livre, érudit, bourré d’informations inédites, nous montre l’envers du décor. L’auteur a interrogé les survivants de l’âge d’or, dépouillé des documents, visité des endroits qui n’existent plus. C’est l’âme de Hollywood, retrouvée.
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