MONIQUE
- The Archivists
- 1 juin 2015
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 mai

La bibliothèque – Des marguerites indociles poussent entre les marches du petit rez-de-jardin. La porte s’entrouvre : « Ne restez pas dehors, entrez ! » Monique, 83 ans, nous attendait. À l’intérieur, c’est une plongée dans la Provence d’autrefois : assiettes accrochées aux murs, petite vitrine pour figurines, bibliothèque vitrée. On remarque les étagères tapissées de tissus provençaux. « J’ai toujours aimé faire cela » explique Monique qui a cousu toute sa vie. Elle regrette parfois qu’aujourd’hui on ne prenne plus le temps pour ce genre de chose. Elle soulève le couvercle d’une marmite qui mijote sur le feu – c’était donc ça, cette bonne odeur ! – « C’est un canard à la duchambais, ce sera bientôt prêt ». Il semblerait qu’elle vienne de nous inviter pour le déjeuner. Dans la pièce tout est minutieusement ordonné et soigné. Chaque objet et meuble a sa place et son histoire. Monique peut tout nous raconter. La bibliothèque ? « Elle a plus de quarante ans, nous l’avions acheté chez un antiquaire. » On va alors l’ouvrir. Mais avant, une mise en garde (ou une coquetterie !) : « Ne me prenez pas en photo, ce n’est plus de mon âge ! »
Les lectures – Monique ne lit plus de roman, elle ne peut pas lire des choses tristes et encore moins ce qui touche à la guerre. Ce qu’elle aime aujourd’hui ce sont les récits de voyages, les récits d’aventures, les biographies, les correspondances. En ce moment elle relit la biographie de Clara Malraux. « Ce Malraux, c’était quelqu’un ! » rit-elle. Elle a aussi beaucoup d’ouvrages de la journaliste exploratrice Alexandra David-Néel qui fut, en 1924, la première femme à séjourner à Lhassa, sur le toit du monde. À voir aussi les ouvrages écrits sur Alexandra David-Néel, on peut dire que Monique lui voue une vraie passion. Monique aime l’aventure et est intarissable sur l’histoire de la « Croisière Jaune ». Pour nous, en revanche, c’est un peu plus flou… Notre ignorance l’étonne et elle nous propose de nous prêter quelques livres sur le sujet. (En fait, il s’agit d’un raid automobiles organisé par André Citroën du 4 avril 31 au 12 février 1932 sur le trajet de la mythique route de la Soie.)
Monique s’excuse : « La bibliothèque n’est pas grande, je n’ai jamais eu beaucoup d’espace… » Ce n’est pas à sa taille qu’on juge la richesse d’une bibliothèque. On trouve des livres de George Sand, Marie Serrat, Noureev, Joseph Kessel, Jacques Chancel… Et Marcel Pagnol, évidemment. Monique se souvient de sa voix à la radio il y a plus de cinquante ans: « chaque semaine il lisait un chapitre de ses souvenirs d’enfance, c’était merveilleux, nous attendions ça avec tellement d’impatience. On avait l’impression qu’il parlait de nous ! ».
Sur un rayonnage, il y a une belle collection de livres de cuisine. Monique n’a pas de mémoire pour les recettes, mais est un vrai cordon-bleu. On va pouvoir juger sur plat : « Le canard va être prêt. »
Plaisir de lire – Pour Monique, la lecture, c’est avant tout un plaisir qui vient de l’enfance. Petite, elle dormait avec ses deux sœurs dans la même chambre que sa grand-mère. Le soir, toutes les quatre lisaient, chacune dans leur lit. « Ma grand-mère riait aux éclats avec son livre. Cela nous faisait rire également et je garde un souvenir très vif de ces moments. » Quel était ce livre qui amusait tant sa grand-mère ? Mon curé chez les richesde Clément Vautel, un livre paru en 1923. « Le canard est prêt. » (Et il fut très bon, merci !)
QUELQUES LIVRES À EMPRUNTER À MONIQUE :
Histoire de ma vie de George Sand,Gallimard, 2004 : à 42 ans, en avril 1847, George Sand commence Histoire de ma vie dont la rédaction prendra huit ans. Somme méconnue, cet incontestable chef-d’œuvre raconte comment Aurore Dupin est devenue écrivain sous le nom de George Sand. Mais il se présente aussi comme une quête des origines d’une modernité exceptionnelle. George Sand fonde un genre: l’autobiographie au féminin.
Lettres à Jean Marais de Jean Cocteau,Albin Michel, 1987 : « Ces lettres sont l’histoire d’une époque, de 1938 à 1963, vingt-cinq ans, un quart de siècle, un tiers de la vie de Jean Cocteau. L’histoire d’une amitié que rien ne pouvait altérer, même pas le miroir. Le seul défaut que j’aie pu découvrir chez Jean Cocteau c’est qu’il me voyait paré de toutes les qualités que je n’avais pas. » – Jean Marais
Noureev, l’insoumis de Ariane Dollfus, Flammarion, 2007 : la biographie d’un des plus grands danseurs.
Salons, coton, révolutions de Marie Seurat, Seuil, 1998 : Marie Seurat originaire d’Alep (Syrie) est retournée chez elle des années plus tard. Autochtone ou déjà étrangère ? Pour fuir la réponse, elle a voulu tout photographier de cette ville. Et fouiller, « fouailler » ces images, sa mémoire et un pays métamorphosé qui n’est peut être plus le sien. Ce va et vient entre autrefois et aujourd’hui, féodaux et apparatchiks, salons et révolutions, elle nous invite à le feuilleter comme un album de famille.
Journal de voyage de Alexandra David-Néel, Plon, 1970 : journal de voyage, journal intime, livre de réflexions, conversations à bâtons rompus, ces lettres envoyées par Alexandra David-Néel à son mari sont une invitation à suivre, pendant les années les plus captivantes de sa vie, cette orientaliste et exploratrice qui raconte ses expéditions entre l’Inde et la Chine, ses rencontres, ses étonnements, ses réactions face aux coutumes locales, son adhésion à la sagesse et au mode de vie orientaux.
La Provence gourmande de Jean Giono de Sylvie Giono,Albin Michel, 2000 : un livre de cuisine chaleureux et intimiste, alimenté par les textes de Jean Giono et porté par les anecdotes et les souvenirs de sa fille.