GUY
- The Archivists
- 6 juin 2016
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 avr.

Cabanon – Pour rejoindre Guy, il faut marcher plusieurs minutes à travers la garrigue, sans être certain de trouver quelque chose au bout du sentier. Mais Guy est bien là, installé « face à son écran » comme il dit en s’amusant. En fait : une vue panoramique sur la vallée du Tholonet depuis la montagne de la Sainte-Victoire jusqu’aux falaises de Cassis. Ce Québécois du Grand Nord vit ici depuis 25 ans et ne se lasse pas de ce paysage. Il nous indique avec humour la (fausse) télécommande posée sur la table « au cas où nous voudrions changer de chaîne. ». Guy ne vit pas dans une maison, mais dans un cabanon. Ici, évidemment, pas d’eau courante, pas d’électricité. Nous suivons Guy qui commence la visite. « Je viens de me débarrasser de 350 livres, explique-t-il. Je les ai amenés dans un bar et les gens se sont servis. Je suis content : il n’en est resté aucun ! » Si Guy aime les livres, il n’est pas du genre à les stocker pour rien. Les livres doivent circuler, vivre de main en main. Mais ses étagères à peine allégées de ces 350 livres, il récupère une encyclopédie Universalis en 28 volumes. « Un ami me les a proposés, je n’ai pas pu refuser » dit-il comme pour se justifier.
Bibliothèque – On l’aura compris, Guy lit de tout, y compris les dictionnaires et encyclopédies qu’il garde près de lui, dans la pièce à vivre. Il les dévore comme s’il s’agissait de romans d’aventures. « Et je note sur des post-it les erreurs que je repère » précise-t-il. Pour rejoindre l’étage, on grimpe par une grande échelle. On y découvre la chambre de Guy et le reste de la bibliothèque : des livres d’histoire surtout, des livres d’art mais aussi des romans rangés tout autour de son lit qu’il a conçu comme une grande balancelle. (Si, vous aussi, vous voulez un tel lit chez vous, suffit de suspendre le sommier aux poutres à l’aide de 4 cordes.) Nous dénichons ses auteurs préférés : Louis-Ferdinand Céline, Romain Gary, Boualem Sansal, Albertine Sarrazin, Pierre Louÿs, Marguerite Yourcenar… et tous ceux qu’on ne peut pas citer. « C’est Thérèse Raquin qui m’a éveillé à la lecture, j’avais une douzaine d’années, se souvient-il. Je n’ai jamais oublié l’émotion ressentie alors. » Avant de redescendre, on remarque, au-dessus du lit, une astucieuse installation qui lui permet de lire chaque soir, malgré l’obscurité. « C’est ma liseuse ! » s’amuse-t-il.
Revues – Impossible de partir, sans passer par les toilettes. Ils se trouvent plus loin dans la garrigue. Là encore, la vue est imprenable. Et on y trouve de nombreux livres. « C’est une véritable pièce de lecture ; j’y ai lu le Coran en entier, par exemple, ce qui a beaucoup amusé un de mes amis égyptiens ! » Guy y range aussi une partie des revues qu’il lit. « Les revues, c’est une véritable maladie, j’ai le virus. Je ne peux pas m’en passer et j’adore faire de nouvelles découvertes. » Parmi ses préférées : les revues Article 11 (« la plus belle revue française »), CQFD et Agone. On a du mal à partir, et pourquoi pas s’installer dans la caravane qui fait office de chambre d’amis pour bouquiner ? Guy nous y encourage…
QUELQUES LIVRES À EMPRUNTER À GUY :
Mort à crédit de Louis-Ferdinand Céline, Gallimard : Un roman foisonnant où Céline raconte son enfance et sa jeunesse : «C’est sur ce quai-là, au 18, que mes bons parents firent de bien tristes affaires pendant l’hiver 92, ça nous remet loin. C’était un magasin de “Modes, fleurs et plumes”. Y avait en tout comme modèles que trois chapeaux, dans une seule vitrine, on me l’a souvent raconté. La Seine a gelé cette année-là. Je suis né en mai. C’est moi le printemps.»
de Pier Paolo Pasolini, Gallimard : Nini Infant, Eligio Pereisson et Milio Bortolus se lient d’amitié pendant la fête du lundi de Pâques 1948, dans un village du Frioul. Ils se sont rencontrés sous le signe de l’ivresse, ils se retrouveront plus tard sous celui des illusions perdues : Nini et Eligio reviennent de Yougoslavie, Milio de Suisse. La nostalgie de l’Italie et la faim les ont fait rentrer au pays. Ils participent aux manifestations organisées par les communistes contre les grands propriétaires terriens, remportent une victoire provisoire et vivent ainsi une alternance de moments de joie et de drame. Avec eux et la famille Faedis, avec les histoires d’amour et les deuils, c’est une double chronique que Pasolini nous livre – celle des petites gens du Frioul, celle de la jeunesse, habitée par un rêve imprécis : le rêve d’une chose.
Des racontars arctiques de Jorn Riel, 10-18 : Des glaces du Groenland où il a séjourné seize ans, Jørn Riel rapporte les savoureux racontars d’une bande de joyeux drilles, chasseurs-trappeurs, paumés hâbleurs, curé d’enfer ou écrivain sans crayon, tous amoureux de cet être cruellement absent de la banquise, la femme. Chacun a une aventure déjantée ou une expérience fabuleusement absurde à raconter, aussi décapante que le tord-boyaux qu’ils avalent à grands flots. Portés par le vent d’arctique, les secrets mal gardés deviennent vite de chaleureux récits prêts à faire fondre les icebergs !
Une histoire populaire des Etats-Unis d’Amérique de Howard Zinn, Agone : L’historien américain s’attache à présenter un point de vue différent de celui adopté par l’histoire officielle : il donne la parole à ses acteurs les plus modestes (Amérindiens, esclaves en fuite, jeunes ouvriers, GI’s du Vietnam). Fondée sur des témoignages oraux ou écrits (courriers, presse, documents administratifs et juridiques), cette étude offre une description vivante des événements.
The Rest is Noise de Alex Ross, Actes Sud : De la Vienne impériale de Mahler et Strauss au Paris des Années folles et du groupe des Six, de l’Allemagne d’Hitler à l’Union soviétique de Staline, Chostakovitch et Prokofiev, des avant-gardes les plus radicales de l’après-guerre à l’Amérique des ”sixties” et des ”seventies”, Alex Ross retrace avec brio la grande aventure de la musique moderne. Au fil des guerres chaudes et froides, des révolutions et des conservatismes, de l’élitisme de la Seconde Ecole de Vienne à l’avènement de la culture de masse, c’est véritablement l’histoire du XXe siècle par sa musique qu’il nous donne à entendre. Son credo : parler de la musique classique comme si elle était universellement populaire, et de la musique populaire comme si elle accédait enfin à l’intemporalité de ce qui est ”classique”.