FANNY
- The Archivists
- 10 avr. 2016
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 avr.

La bibliothèque – Avant de devenir l’appartement de Fanny, ces murs abritaient autrefois un atelier de confection, puis l’atelier d’un peintre. Fanny et Nassim, son compagnon, ont entièrement tout refait. « On peut encore voir les rails au plafond qui servaient pour les prises des machines à coudre » explique Fanny. Les machines à coudre ont laissé place à un beau fauteuil en osier suspendu qui tombe face à la bibliothèque. « Comme tout le reste de l’appartement, nous l’avons faite nous-mêmes. Elle est en plâtre. On en a bavé ! » se souvient-elle. Ils peuvent être contents du résultat. Fanny regrette que la dernière étagère reste plutôt inaccessible. L’emplacement de la bibliothèque était tout trouvé : le peintre qui occupait précédemment les lieux avait lui aussi installé sa bibliothèque sur ce mur. « Quand on a visité, ça nous a tout de suite plu ! » Ils n’iront pas jusqu’à dire que cela a motivé leur décision d’emménagement. « Mais cela fait partie des choses qui nous ont séduites ! »
La bibliothèque est en bon ordre. Le côté droit est réservé à Nassim et à ses livres de sciences humaines – il a fait une thèse en anthropologie. On y trouve aussi la littérature algérienne. À gauche, la littérature générale et les bandes dessinées. Ces livres-là, ne sont pas spécifiquement à Fanny, mais à eux deux, sans qu’ils puissent réellement déterminer qui en était le propriétaire premier. « C’est particulièrement vrai pour les bandes dessinées et romans graphiques : nous aimons les mêmes choses et les achetons ensemble. » Ils ont également aménagé, sur les étagères les plus basses une bibliothèque pour Nina, leur fille de deux ans et demi. « À l’exception des livres de Nassim, le reste de la bibliothèque n’est pas très organisé, explique Fanny, mais je sais à peu près où sont les choses. »
Lectures – Pour notre visite, Fanny a cherché – et trouvé sans mal – ses romans fétiches. Comme toute sélection c’est un peu arbitraire, précise-t-elle, mais on reconnaît un goût pointu pour une certaine littérature. Le premier livre est Le jour des corneilles de Jean-François Beauchemin : « Un roman tellement fort et une langue magnifique ! ». Plusieurs romans d’Olivia Rosenthal sont également sur la table basse ainsi qu’un texte de poésie de Dominique Fabre. « Fabre, c’est mon chouchou absolu! » s’enthousiasme-t-elle.
Récemment, elle a aimé rêver et voyager avec un court roman argentin, Sous la pierre mouvante de Nestor Ponce, et Neuf fois neuf choses que l’on dit de Mogador de Alberto Ruy Sanchez, une évocation poétique et sensuelle d’Essaouira.
Si l’on demande conseil en littérature algérienne elle pense à Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud, véritable phénomène littéraire. « Notez aussi Le village de l’allemand de Boualem Sensal » ajoute Fanny.
Parents/enfants – Avec sa fille, Fanny a découvert avec surprise que les livres qui plaisent aux enfants, sont rarement ceux qui plaisent aux parents. Et vice versa. « Il est très rare que les goûts de Nina et les miens s’accordent. » Par exemple, Fanny a adoré En t’attendant d’Émilie Vast, « un très joli livre poétique sur les transformations de la nature vues par une maman pendant sa grossesse. » Nina, elle, n’a pas du tout accroché. Elles ont tout de même trouvé un terrain d’entente : « Nina dévore les livres que je lisais enfant ! Elle adore regarder des classiques comme les Martine ! » Le deuxième enfant arrive bientôt, Fanny pourra réessayer de lui lire En t’attendant…
QUELQUES LIVRES À EMPRUNTER À FANNY :
Tobie des Marais de Sylvie Germain, Folio : Un petit enfant en ciré jaune roule sur son tricycle sous l’orage. On dirait un soleil miniature. On lui a crié : Va au diable ! et il y file, chassé par le vent du malheur. Ainsi commence ce roman, riche en merveilleux, en émotions, en amour, pour lequel Sylvie Germain s’est librement inspirée du célèbre récit biblique de Tobie.
Que font les rennes après Noël de Olivia Rosenthal, Verticales : «Vous aimez les animaux. Ce livre raconte leur histoire et la vôtre. L’histoire d’une enfant qui croit que le traîneau du père Noël apporte les cadeaux et qui sera forcée un jour de ne plus y croire. Il faut grandir, il faut s’affranchir. C’est très difficile. C’est même impossible. Au fond, vous êtes exactement comme les animaux, tous ces animaux que nous emprisonnons, que nous élevons, que nous protégeons, que nous mangeons. Vous aussi, vous êtes emprisonnée, élevée, éduquée, protégée. Et ni les animaux ni vous ne savez comment faire pour vous émanciper. Pourtant il faudra bien trouver un moyen.» Olivia Rosenthal.
Un repas en hiver de Hubert Mingarelli, Stock : Ce jour-là, trois hommes prennent la route, avancent péniblement dans la neige sans autre choix que de se prêter à une chasse à l’homme décrétée par leur hiérarchie militaire. Ils débusquent presque malgré eux un Juif caché dans la forêt, et, soucieux de se nourrir et de retarder le retour à la compagnie, procèdent à la laborieuse préparation d’un repas dans une maison abandonnée, avec le peu de vivres dont ils disposent. Les hommes doivent trouver de quoi faire du feu et réussir à porter à ébullition une casserole d’eau. Ils en viennent à brûler les chaises sur lesquelles ils sont assis, ainsi que la porte derrière laquelle ils ont isolé leur proie. Le tour de force d’Hubert Mingarelli, dans ce roman aussi implacable que vertigineux, consiste à mettre à la même table trois soldats allemands, un jeune Juif et un Polonais dont l’antisémitisme affiché va réveiller chez les soldats un sentiment de fraternité vis-à-vis de leur prisonnier.
Un des malheurs de Emmanuel Darley, Verdier: Quelques voix dans une ville assiégée. D’autres, à l’extérieur, menaçantes. Puis le chaos qui recouvre peu à peu chaque chose. Et, pendant de longs mois, des ombres qui tentent de résister et de survivre. D’autres, tout autour, sur les collines, occupées patiemment à faire, en bas, le vide – à nettoyer. Un des malheurs : la guerre, celle qui ressuscite brutalement de vieilles histoires de terre, de terre d’ancêtres, pour déchaîner sa jubilation morbide. La force d’évocation de ce récit tient toute dans le refus de l’émotion et, surtout, dans l’originalité de la langue qui porte cet univers halluciné
Avant les monstres de Dominique Fabre, Cadex :On retrouve dans ce livre de poésie les thèmes sensibles de l’enfance, l’absence du père, la famille d’accueil à la campagne et la banlieue. Cette poésie du quotidien où évoluent filles perdues, ouvriers anonymes, enfants solitaires touche à l’universelle condition humaine. Ma tête était coupée elle roulait j’allais avoir des bosses ça m’ennuyait pourvu qu’elle ne tombe pas dans la mer je me disais sainte marie mère de dieu car je n’aurais pas mes lunettes pour la retrouver !
Le village de l’allemand de Boualem Sansal, Gallimard :Les narrateurs sont deux frères nés de mère algérienne et de père allemand. Ils ont été élevés par un vieil oncle immigré dans une cité de la banlieue parisienne, tandis que leurs parents restaient dans leur village d’Aïn Deb, près de Sétif. En 1994, le GIA massacre une partie de la population du bourg. Pour les deux fils, le deuil va se doubler d’une douleur bien plus atroce : la révélation de ce que fut leur père, cet Allemand qui jouissait du titre prestigieux de moudjahid… Basé sur une histoire authentique, le roman propose une réflexion véhémente et profonde, nourrie par la pensée de Primo Levi. Il relie trois épisodes à la fois dissemblables et proches : la Shoah, vue à travers le regard d’un jeune Arabe qui découvre avec horreur la réalité de l’extermination de masse ; la sale guerre des années 1990 en Algérie ; la situation des banlieues françaises, et en particulier la vie des Algériens qui s’y trouvent depuis deux générations dans un abandon croissant de la République. «À ce train, dit un personnage, parce que nos parents sont trop pieux et nos gamins trop naïfs, la cité sera bientôt une république islamique parfaitement constituée. Vous devrez alors lui faire la guerre si vous voulez seulement la contenir dans ses frontières actuelles.» Sur un sujet aussi délicat, Sansal parvient à faire entendre une voix d’une sincérité bouleversante.
Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud, Actes Sud : Dans un bar à Oran, un vieil homme monologue sur ce qui fut la grande affaire de sa vie : le meurtre de son frère il y a soixante-dix ans. Ce crime en plein soleil est passé depuis dans notre patrimoine littéraire, car cet homme n’est autre que le frère de « l’Arabe » tué par un certain Meursault dans le fameux roman d’Albert Camus ! Piégé depuis sa plus tendre enfance entre sa mère et un mort dans un deuil sans fin, Haroun entreprend de réécrire l’histoire de son frère, dont le « seul livre écrit est ses tatouages », et de lui redonner un nom dans la langue du tueur. Grâce à une brillante et vertigineuse construction multipliant échos et emprunts à L’Étranger, ainsi que de nombreuses références bibliques, mythologiques et littéraires (La Chute, Robinson Crusoé, etc.), Kamel Daoud donne corps à ce personnage sans nom. Il s’interroge non seulement sur son identité, mais aussi sur celle de son pays, l’Algérie. Meursault, contre-enquête est un hommage audacieux et captivant.
SES BONNES ADRESSES :
Le Funiculaire, un bar à vin-librairie où l’on peut aussi venir écouter des concerts (17 rue André Poggioli, 13006 Marseille).
Béa-Ba, une galerie d’art contemporain (122 rue Sainte, 13007 Marseille).