ELSA
- The Archivists
- 28 août 2018
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 mai

Bibliothèque – La porte d’entrée s’ouvre sur un lieu d’échange. Un simple meuble où s’empilent des livres sans ordre, sans choix, des ouvrages comme laissés à portée de main pour que chaque visiteur puisse sentir l’invitation lancée d’emblée par Elsa : prenez les livres, lisez les. Elsa prête ses livres et comme il arrive souvent qu’on ne les lui rende pas, disons plutôt qu’elle aime les donner. « Tout le monde le sait », reconnaît-elle. Parfois, elle ne serait pas contre qu’ils lui reviennent mais les livres ne sont-ils pas fait pour être partagés ? Elsa nous avoue qu’elle a du mal à retrouver ses livres, que le temps lui manque, qu’elle est submergée par le volume des ouvrages qui lui parviennent – elle est journaliste et organise ses célèbres diners littéraires. On comprend qu’elle n’y attache pas vraiment d’importance, car sa bibliothèque semble nervurée d’un chemin intime ; chacun de ses livres raconte une histoire, et la conduit à un autre, le tout étant le témoin de sa passion et de ses rencontres. Elle nous confie alors : « la bibliothèque idéale, elle est dans ma tête ». On devine néanmoins un rangement par auteur, qui cohabite avec un classement par collection, origine géographique ou encore période de vie : une place pour les ouvrages classiques de la collection de l’Académie Goncourt dont elle souligne l’importance ; en haut et en bas, on trouve ses livres de jeunesse, puis il y a ce qu’elle appelle « le côté juif ». Elle sourit à son évocation et précise sobrement que cela est important. Elsa nous fait partager son goût pour la littérature israélienne trop méconnue. Et enfin, le côté américain. Quand Elsa regarde sa bibliothèque en prenant le recul suffisant, elle constate qu’elle illustre des étapes de sa vie « des choses qui lui rappellent des choses ».
Lectures – Autrefois, Elsa lisait un livre car sa couverture l’attirait, son titre l’inspirait ou tout simplement les livres qu’on lui offrait. Aujourd’hui, elle lit les auteurs qu’elle connait. Dans cette bibliothèque se cachent de magnifiques dédicaces : la toute première de Pierre Assouline qui orne la page de faux-titre de « La Cliente », qui signe le début d’une d’amitié avec son auteur. Elle possède l’ensemble de ses ouvrages, témoins de l’importance de sa rencontre avec cet homme qui, confie-t-elle, lui a appris son métier. Elsa attrape un livre dédicacé par Michel Del Castillo dont l’évocation colore sa voix d’une émotion particulière, la radoucit comme s’il fallait prendre soin de ne pas le déranger, lui qui a si bien évoqué un thème cher à notre hôte, les relations mère / enfant. Alice Ferney ? L’écrivain l’a reçu chez elle à Paris, il y a plus de quinze ans lors de la sortie de « La Conversation amoureuse ». Une rencontre touchante. Troublée, Elsa en a même oublié son exemplaire, qui lui fut retourné dédicacé, avec à l’intérieur une photo des enfants de l’auteur, en souvenir du moment intime passé entre mères. Puis, Elsa tombe sur Pascal Quignard, qui de façon exceptionnelle l’a reçu chez lui. Tout à coup, le ton devient sérieux, Elsa nous délivre une prescription : « Il faut lire Quignard, c’est la base de tout ». Puis, elle affine, « tu ne lis pas de façon linéaire, tu pioches ». Extrait : « Le désir, c’est le désastre ». Message reçu. Elsa nous glisse que quand elle ouvre un livre, elle ouvre la porte de l’auteur. Elle est fascinée par leur vie. Seul problème, elle a du mal à se défaire de la sensation d’avoir l’auteur au-dessus de son épaule…
Initiation – Elsa nous confie qu’elle vient d’une famille où tout le monde lit et reconnaît bien volontiers qu’il s’agit d’une chance. A l’âge de dix ans, elle se plaint auprès de son père de s’ennuyer fermement. Comme s’il attendait ce signal, il l’emmène dans son immense bibliothèque, et l’invite à lire l’ensemble des ouvrages qu’elle contient. Après seulement, elle pourra dire qu’elle s’ennuie. Bonne élève, Elsa s’exécute ; et en y prenant plaisir ! Elle découvre alors Zola, Balzac, poursuit avec Daudet, Pagnol… On en vient enfin, au titre qui électrise notre regard et notre curiosité depuis notre entrée, un exemplaire de « La Promesse de l’Aube » de Romain Gary. Dans sa collection blanche de Gallimard. Sa position, son état racorni semblent vouloir raconter une histoire précieuse. Elsa partage : ce livre appartenait à sa mère, qui lui a transmis et qu’elle a elle-même transmis à sa fille. Nous voilà apaisées. Notre intuition était la bonne, ce livre contient un fragment intime de la vie de cette famille. Elsa a sans doute puisé de cette initiation l’énergie transmise lors de ses diners littéraires, qui lui permettent de créer auprès de ses invités le désir impérieux de dévorer le livre présenté. Un cadre idéal pour les auteurs.
Rituel de lecture – Elsa a besoin de calme pour entrer, comme en apnée, dans le monde littéraire qui s’offre à elle. En revanche, elle est catégorique : si au bout de cinquante pages, l’immersion n’a pas fonctionné, elle arrête. Elle estime que c’est le minimum qu’elle puisse accorder à un auteur et le maximum qu’elle puisse donner si la magie n’opère pas.
Un seul regret pour l’heure, ne pas réussir à lire l’Odyssée d’Ulysse, et surtout ne pas comprendre pourquoi ?
La Promesse de l’Aube – Romain Gary – « -Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele D’Annunzio, Ambassadeur de France ! tous ces voyous ne savent pas qui tu es ! Je crois que jamais un fils n’a haï sa mère autant que moi, à ce moment-là.
Mais, alors que j’essayais de lui expliquer dans un murmure rageur qu’elle me compromettait irrémédiablement aux yeux de l’Armée de l’Air, et que je faisais un nouvel effort pour la pousser derrière le taxi, son visage prit une expression désemparée, ses lèvres se mirent à trembler, et j’entendis une fois de plus la formule intolérable, devenue depuis longtemps classique dans nos rapports : – Alors, tu as honte de ta vieille mère ? »
La Gloire de Dina – Michel del Castillo : Un jour, Sandro choisit un livre parmi les piles de volumes qui encombrent sa table de chevet. Le nom de l’auteur, Aldo Casseto ; le titre du livre, Une enquête à Syracuse, l’attirent sans doute plus que les autres. Sandro a grandi lui aussi en Sicile, à Palerme, auprès de sa mère Dina.
Au moment d’entreprendre sa lecture, Sandro se connaît un demi-frère. Il aura hérité de deux frères supplémentaires le livre achevé : Aldo, l’auteur du roman, et Brunetto, fils de Dina comme lui. Deux frères qu’il n’a jamais vus ni approchés, que Dina semble-t-il, a toujours voulu lui cacher.
Cela paraît incroyable, presque impensable ces deux frères tombés du ciel par l’intermédiaire d’un livre, et plus encore cet Aldo, romancier comme Sandro, publié par le même éditeur, qui aura fatalement côtoyé les mêmes personnes, évolué dans le même monde. Combien de fois Sandro et Aldo ont-ils pu se croiser ainsi sans se reconnaître ? Tout se confirme pourtant. De correspondances en coïncidences, Sandro va découvrir combien de secrets il lui reste à percer, de chemin à parcourir. Il lui faudra remonter le temps de son enfance sicilienne, redessiner inlassablement la figure de cette mère qu’aucun superlatif ne réussirait à définir vraiment. Car comment expliquer Dina et la comprendre ? Sa beauté, ses amours, ses vies multipliées, toujours recommencées, ses engagements politiques, son exil forcé en France et puis bien sûr ses fils perdus… Pourquoi les perdre alors ? Comment les retrouver ? Aldo et Sandro finiront-ils par se rencontrer eux-mêmes ? Le pari de Sandro se révèle peu à peu insensé de vouloir tout consigner enfin, tout ramasser du roman de sa vie. Il le gagnera au prix d’un livre, mais le sien propre, écrit à la gloire de Dina qui seule possède les fameux secrets, qui seule connaît le nombre des cartes, leur valeur, le nom du jeu, qui seule en a inventé les règles.
La partie, Sandro le sait bien, ne s’arrêtera jamais.
La conversation amoureuse – Alice Ferney : Gilles à quarante-neuf ans est en instance de divorce. En conduisant sa fille à l’école il rencontre Pauline, ravissante dans sa petite robe jaune. Pauline est mariée, fidèle et enceinte de quatre mois. Pourtant, une étrange relation va se nouer entre eux. Une “idylle asymétrique” subtilement analysée sur le mode du discours amoureux. A la question traditionnelle: est-on jamais sûr d’être aimé?, cet étonnant jeu de miroirs en substitue d’autres, peut-être plus fondamentales encore. Est-on jamais sûr d’aimer? Le pouvoir, en amour, n’appartient-il pas à celui qui aime le moins?
La Cliente – Pierre Assouline – En poursuivant des recherches sur la vie d’un écrivain, un biographe découvre par hasard des milliers de lettres de dénonciation. Ecrites sous l’Occupation, elles sont en principe inconsultables. L’une d’entre elles concerne l’un de ses propres amis, un commerçant dont la famille a été déportée. Qui a fait cela et pour obéir à quel instinct? Le nom du délateur figure dans les dossiers. Soit non, mais pas ses motivations. Le coupable est quelqu’un de proche, très proche… Révéler son identité, ce serait porter le fer dans la plaie quand tant d’autres voudraient au contraire éteindre les cendres. Ce serait aussi dévoiler un secret mal enfoui au risque de réveiller de vieux démons. On peut tout dire, mais peut-on tout entendre? Méditation sur la banalité du mal, ce récit est celui d’un obsessionnel que la volonté de comprendre a failli faire basculer de l’autre côté du miroir.
Vie secrète – Pascal Quignard : «La vie de chacun d’entre nous n’est pas une tentative d’aimer. Elle est l’unique essai.»
Derrière vos portes – Dafna Mouchenik. L’auteur tire de son propre vécu de travailleur social et de chef d’entreprise d’aide à la personne, un roman touchant et très drôle sur le quotidien de son équipe de 140 personnes qui contribue avec de très faibles moyens à améliorer le quotidien des personnes dites en perte d’autonomie.
LES BONNES ADRESSES D’ELSA
Lumière d’août – Librairie Café – Docks Marseille. Cocon littéraire exceptionnel, avec des chaises qui permettent de se poser. Un lieu idéal. Atrium 10 6, 10, PL de la Joliette, 13002 Marseille
Hôtel de Caumont – Aix en Provence – Expositions de grande qualité. Déjeuner au calme garanti. 3, Rue Joseph Cabassol, 13100 Aix en Provence[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]