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ANNE P.

  • The Archivists
  • 5 déc. 2016
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 avr.




Bibliothèque – « L’uniformité m’angoisse » explique d’emblée Anne comme pour justifier son choix d’avoir plusieurs petites bibliothèques dans son appartement. « Il n’y en a pas une qui ressemble à l’autre et ça me plaît ! » Chaque bibliothèque est l’objet d’un coup de cœur, suit un ordre ou une logique que seule Anne maîtrise, mais chacun peut venir emprunter un livre. Anne résume : « Des livres rangés mais pas figés ! »


Lectures – Anne lit principalement des romans, mais elle reconnaît être peu attirée par les nouveautés – mais on repère tout de même quelques livres d’auteurs contemporains et plusieurs numéros de la revue Décapage. « Je lis lentement et j’aime reprendre des livres déjà lus », explique-t-elle. Ce qui l’intéresse, plus que l’histoire, c’est le style de l’auteur. En apprécier les phrases et essayer de comprendre comment l’auteur écrit – sans doute une déformation professionnelle, Anne enseigne la littérature dans un lycée. Cette lecture – cette étude, devrait-on dire – n’est donc pas compatible avec une lecture rapide. Anne prend des notes et n’hésite pas à crayonner ses exemplaires.

« Récemment, j’ai retrouvé avec une certaine émotion les notes prises dans les marges de La chartreuse de Parme de Stendhal, lorsque j’étais étudiante… il y a presque 20 ans ! » Elle continue de lire aujourd’hui, crayon à la main. On ne change pas ses habitudes, comme ça. Nouveau coup d’œil aux bibliothèques : effectivement, on note quelques grands stylistes, Anne les énumère : « Céline, Proust, Robbe-Grillet, Stendhal, Maupassant, Camus… Voilà les premiers noms qui me viennent… » « Et Rimbaud ! » s’empresse-t-elle d’ajouter, comme si on allait partir sans prendre le temps de noter son nom. « C’est pas très original, mais sa poésie a été pour moi une vraie révélation ! » Depuis, Anne fait chaque année étudier à ses élèves les sonnets Le bateau ivre et Venus anadyomène. « C’est du pur génie ! »

Cette année, elle a goûté à la littérature contemporaine en participant avec ses élèves, à un prix littéraire. « C’était une belle expérience et j’ai découvert l’œuvre sensible et poétique de Thomas Vinau. » Dernier coup d’œil aux bibliothèques, on aperçoit quelques romans graphiques. « L’Arabe du futur, incontournable et génial ! ».

Héritage – Anne prête facilement ses livres. Il faut veiller à les rapporter et les remettre dans la bonne bibliothèque. Ce n’est pas par maniaquerie, c’est pour être sûre de ne pas en égarer. « En plus du goût de la lecture que j’aimerai transmettre à mes deux filles, je voudrais leur laisser mes livres. » (Le plus tard possible.) Anne a elle-même hérité d’une partie des livres de ses grands-parents et arrière-grands-parents. On les trouve d’ailleurs dans sa chambre, près du lit. « C’est très émouvant de tenir dans les mains un livre lu et aimé par mon arrière-grand-mère. Cela constitue mon ciment en quelque sorte ». Et si les filles n’aiment pas lire ? Elles auront la liberté de choisir. Être lectrices, ou ne pas être. On ne peut pas forcer à lire. « Pennac explique dans Comme un roman qu’il faut s’accorder le droit de fermer un livre, de ne pas le finir. Cela me semble important pour que la lecture reste un plaisir et un choix » conclut Anne.



QUELQUES LIVRES À EMPRUNTER À ANNE :

La part des nuages de Thomas Vinau, Alma : Joseph vit seul avec son fils Noé. Sa femme l’a quitté pour un autre, pour refaire sa vie, pour voir si le quotidien était moins lassant ailleurs. Noé est resté vivre chez son père, beaucoup plus pratique, pour ne pas changer d’école, de chambre, continuer à deviner la forme des nuages, de la cabane dans le cerisier. Des moments de partage, des rires, des histoires inventées puisées dans l’inépuisable imagination infantile. Une routine perturbée lorsque, pour les congés, Noé part quelques jours chez sa mère. Joseph perd alors ses repères. Ce roman de Thomas Vinau est constitué de ces « fragiles petites brumes » : de courts chapitres poétiques, des instants saisis au quotidien, transformés en moments de grâce.

Histoire de la violence de Edouard Louis, Seuil :“J’ai rencontré Reda un soir de Noël. Je rentrais chez moi après un repas avec des amis, vers quatre heures du matin. Il m’a abordé dans la rue et j’ai fini par lui proposer de monter dans mon studio. Ensuite, il m’a raconté l’histoire de son enfance et celle de l’arrivée en France de son père, qui avait fui l’Algérie. Nous avons passé le reste de la nuit ensemble, on discutait, on riait. Vers six heures du matin, il a sorti un revolver et il a dit qu’il allait me tuer. Il m’a insulté, étranglé, violé. Le lendemain, les démarches médicales et judiciaires ont commencé. Plus tard, je me suis confié à ma soeur. Je l’ai entendue raconter à sa manière ces événements. En revenant sur mon enfance, mais aussi sur la vie de Reda et celle de son père, en réfléchissant à l’émigration, au racisme, à la misère, au désir ou aux effets du traumatisme, je voudrais à mon tour comprendre ce qui s’est passé cette nuit-là. Et par là, esquisser une histoire de la violence.”

La jalousie de Alain Robe-Grillet, Minuit : Le narrateur de ce récit – un mari qui surveille sa femme – est au centre de l’intrigue. Il reste d’ailleurs en scène de la première phrase à la dernière, quelquefois légèrement à l’écart d’un côté ou de l’autre, mais toujours au premier plan. Souvent même il s’y trouve seul. Ce personnage n’a pas de nom, pas de visage. Il est un vide au coeur du monde, un creux au milieu des objets. Mais, comme toute ligne part de lui ou s’y termine, ce creux finit par être lui-même aussi concret, aussi solide, sinon plus. L’autre point de résistance, c’est la femme du narrateur, A…, celle dont les yeux font se détourner le regard. Elle constitue l’autre pôle de l’aimant. La jalousie est une sorte de contrevent qui permet de regarder au-dehors et, pour certaines inclinaisons, du dehors vers l’intérieur ; mais, lorsque les lames sont closes, on ne voit plus rien, dans aucun sens. La jalousie est une passion pour qui rien jamais ne s’efface : chaque vision, même la plus innocente, y demeure inscrite une fois pour toutes.

La petite lumière de Antonio Moresco, Verdier :Un homme solitaire décide de se couper du monde en se retirant dans un hameau hors du temps, dont les rues, presque toujours désertes, témoignent à peine d’une hypothétique présence humaine. Au cœur d’une nature intime, toute-puissante et délicate, le voilà spectateur des détails, minuscules et émouvants, que lui offrent plantes, arbres et animaux, et que seuls perçoivent des yeux patients, attentifs, bienveillants. Le personnage vit entouré d’hirondelles, il parle aux plantes, aux lucioles, à cet « oiseau porte qui grince ». Peu à peu, le silence de la solitude s’incarne. Une lumière sur le vallon lui renvoie comme l’écho du petit enfant apeuré par le noir qu’il a été, tel un éclat qui, au fil des pages, le propulse un peu plus profondément dans l’obscurité, vers un effacement nécessaire. L’écriture poétique, parfois surréaliste, rend compte de la solitude de l’homme face à son existence, mais aussi face à la nature. Tout, dans ce roman où la littérature se respire à pleins poumons, apparaît comme essentiel et salutaire.



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